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Modifiée le 26 mars 2024

Les fours à plâtre au Châtelet-en-Brie

Dans la première moitié du XIX° siècle, des maçons du Châtelet en Brie ont construit des fours à plâtre dans le village pour obtenir du plâtre de bonne qualité. Pour obtenir cela la matière première est le gypse.

Pourtant, ces gisements sont fort éloignés du Châtelet-en-Brie.


Le schéma départemental des carrières du 77 nous apprend que : dans le département les dépôts gypsifères sont présents dans la partie Nord uniquement, car au Sud d’une ligne Ouest-Est située à quelques kilomètres au Sud de Meaux, les conditions de sédimentation étant différentes, le dépôt de gypse a été remplacé par la sédimentation du Calcaire de Champigny. « Schéma départemental des carrières de Seine-et-Marne 2014 2020 p 69 »

Comment ce gypse était-il cuit ?

Un exploitant plâtrier aux Grands Montgoins, Saint Cyr sur Morin, témoigne.

Le gypse extrait des carrières était cuit dans un four suivant différentes techniques.

Dans le nord du département on utilisait « des fours à culée ». Des ouvriers ramenaient la « pierre à plâtre » à l’aide de wagonnets et remplissaient le four en plaçant les plus grosses au sol. Les pierres étaient empilées à sec de manière à ce que l’air puisse circuler entre elles.

Des petites voûtes étaient créées (voir plan du four ci-dessous) afin de recevoir le bois de chauffage que l’on plaçait au fur et à mesure de leur construction. Ces voûtains étaient plus ou moins élaborés. Au XIXe siècle on utilisait des « bourrées » ou fagots de bois pour chauffer le four.

Lorsque ce four était rempli, de grosses pierres au bas, les plus petites au sommet, il avait une hauteur d’environ 3 mètres. Quand il était prêt, que les voûtains avaient reçu leur provision de bois, on le fermait par des tôles et on allumait le bois par l’extérieur. Le four brûlait pendant 20 à 24 heures. Il consommait 1200 bourrées. On rechargeait de fagots les voûtains selon le besoin de cuisson qui variait selon le « tirage » du four : On « rafourait » régulièrement selon un terme utilisé par les plâtriers. Après 24 heures il fallait s’assurer que le plâtre était cuit. Pour cela, un ouvrier armé d’une pioche, montait sur le four tout fumant, il y restait juste le temps de donner quelques coups de pioche pour voir si les pierres du dessus étaient cuites. Si oui, le four était bon, sinon il fallait continuer à alimenter le feu. L’ouvrier redescendait rapidement du « sauna » après son bain de vapeur. Le four refroidissait durant 24 heures.

Après la cuisson, les pierres étaient réduites en miettes à la mailloche. Au XIXe siècle, après avoir été ainsi broyé, le plâtre était mis dans des sacs à la main au détriment de la santé des acteurs qui respiraient cette poussière ! Plus tard dans un broyeur auquel était attelé un cheval. Ce broyeur était constitué par une grosse meule en fonte, verticale, reliée à un axe central, tournant dans un auget (petite auge) en fonte dont le fond était garni de « soles » ou plaques en acier perforé. Le plâtre broyé dans une fosse, était repris par une chaîne à godets, qui le remontait pour le déverser dans un entonnoir permettant l’ensachage. Les sacs en toile contenaient 25l et pesaient 30 kg.  (Cité dans « Maisons de Brie et d’Île de France » de Michel Vincent, pages 282 à 293, extraits).

Et au Châtelet…

Des maçons et des plâtriers n’étaient pas rares dans notre village. On en veut pour preuve deux familles : La famille Petit dit Lafond, dont 2 frères qui semblent issus d’une lignée de maçons de père en fils et briards depuis 1796.

Étienne-François, maçon ayant demandé au Châtelet-en-Brie, un passeport pour Paris le 18 août 1825 et le 16 octobre1831.

Hylaire Théodore, maître maçon ayant demandé à construire un four à plâtre au Châtelet route de Melun.

En 1839, un Petit Lafond exploite un four à plâtre au Châtelet.

Une seconde famille a pignon sur rue dans notre village depuis plusieurs générations : la famille Devien.

Nous verrons ci-après qu’un des membres de cette famille a fait une demande pour construire un four à plâtre route de Melun en 1831.

Notons par ailleurs, qu’avant 1789 un certain Jean Devien, maçon, demande aux Dames de Poissy l’autorisation d’occuper gratuitement le bâtiment de l’auditoire qui tombe en ruine et s’engage à le remettre en état à ses frais et dépens.

Où ? Ces fours à plâtre se situaient-ils au XIXe siècle ?

Les archives communales du Châtelet nous indiquent que le 16 février 1832, suite à un courrier du préfet de Seine et Marne, le maire annonce qu’un avis a été publié et affiché. Il informe les habitants du village que « Le sieur Devien maçon demande l’autorisation d’établir un four à plâtre sur le territoire du Châtelet au lieu-dit Le Plessier à gauche en allant à Melun, à 30 mètres de la grande route, et 70 mètres de la maison de Louis Bourguignon, à 120 mètres de la poste aux chevaux et à 210 mètres de la ferme du château des Dames… ». 

Huit jours après cette annonce, étant donné que personne ne s’est présenté pour faire des observations, le procès-verbal a été clos en faisant remarquer qu’il n’y avait aucun inconvénient à ce que ce four soit établi à l’emplacement décrit ci-dessus (voir plan de 1831). Signé, le maire Alloënd Bessand.

Aucun autre document à ce jour ne peut nous apporter d’informations supplémentaires concernant le type de four construit et le mode de cuisson utilisé à cet endroit.

L’encyclopédie de Diderot nous indique toutefois que les « maçons en plâtre » préféraient le cuire eux-mêmes sur leur lieu d’activité plutôt que de le faire venir de loin.

En effet, « pour jouir d’un plâtre de bonne qualité il faut l’employer immédiatement après la cuisson et on ne doit point l’écraser. Lorsqu’on est obligé de faire des provisions de plâtre parce qu’on est loin des fours où on le cuit, on doit l’enfermer dans des tonneaux bien secs » Si on le fait venir de loin on risque d’utiliser « du plâtre éventé »…    

Néanmoins, on n’a pas de réponse quant à la manière dont, le gypse, qu’on ne trouvait qu’à plusieurs kilomètres du Châtelet était transporté jusqu’au village.

Un second four se trouvait dans le village.

A l’est de l’église, dans la rue Saint Louis, entre la rue aux Feurs et la rue aux Liards.

Jean-Bernard Duval cite une source : Archives de la mairie du Châtelet-en-Brie 17 juillet1848, AD/SHCB Ets classésG1/086. Elle indique un plan des bâtiments, cours et jardins, appartenant à M. Petit Théodore dit Lafond, ainsi que des propriétés environnantes résultant d’un four à plâtre construit dans l’année, indiqué au plan par la lettre A, dont M. Vichy Jean-Jacques François demande la suppression.

Quelle en est la raison ?

La cuisson de plâtre était très polluante !

On peut avoir une idée des nuisances occasionnées par une telle activité, dans le tableau de Géricault ci-contre. Un four à plâtre était une véritable horreur écologique : une simple grange, sans la moindre cheminée, dans laquelle on entasse des pierres à calciner et du bois. Et de répandre une épaisse fumée durant toute une journée ! Il n’est pas étonnant que M. Vichy, dont la propriété jouxtait celle de Théodore Petit, ait déposé plainte, l’année même de la construction de ce four en 1848. (Voir le plan ci-dessous).

Cet article a été réalisé d’après les recherches de Jean-Bernard Duval (la Chapelle-Rablais). On ne peut que recommander la consultation de son excellent site : https://archives-chapellerablais.fr/. Merci à lui pour sa bienveillante et riche contribution.

A Mary