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Modifiée le 11 février 2021

Monique et l’exode

« Nous étions en 1939. La guerre avait débuté au mois d’août. Papa qui était un ancien de la guerre de 14, sentait le danger approcher.

Le clocher pouvait être une cible pour les allemands. Il avait sans doute aussi reçu des ordres pour rapatrier tout ce qui était administration sur Poitiers ou Bordeaux.

Il y avait donc un mouvement général et l’on voyait défiler sur la route de Melun à Montereau, des fermiers venant du nord avec leurs grosses voitures gerbières, tirées par des chevaux, avec quelques-unes de leurs richesses. Ils nous donnaient « des échos dangereux » sur l’arrivée des allemands.

Cela ressemblait à de la propagande allemande, qui lançait des avertissements, pour envoyer les gens encombrer les routes et les bloquer, pour empêcher les français de partir. Voyant tout cela, nous sommes partis en laissant la maison.

Nous avons emporté seulement  nos papiers, des documents, l’argenterie de maman et c’est tout.

Lorsque nous sommes revenus quelques semaines plus tard, tout avait été pillé.

Nous avions une traction 9CV, grise et bleue et c’était un périple. Mon père, homme sage, protecteur pour sa famille, avait cédé à cela.

Il mit sur la voiture, mon vélo, un matelas sur le toit, puis on est passé par Fontainebleau pour chercher le grand-père, la grand-mère, mon petit frère qui était à Bagneaux et…le chien !

Nous avons continué pour passer la Loire. On a rejoint la Rolande et sur la route de Chateauroux avons été mitraillés. Nous avons laissé les grands-parents dans la voiture et nous nous sommes réfugiés dans une cour de ferme.

A la fin de cette alerte, nous sommes retournés à la voiture ; rien n’avait été abîmé. Mais devant le véhicule, une dame gisait sur le sol, sans vie, touchée par une balle.

Il fallait ensuite réinsérer la file de voitures, après avoir laissé passer les soldats    . Cela n’était pas facile car nous étions bombardés régulièrement.

A chaque attaque, nous laissions les grands-parents dans la voiture, nous nous abritions, puis nous reprenions la route.

Tant bien que mal, nous sommes arrivés à Châteauneuf-sur-Loire où l’église commençait à flamber.

Mon père choisit de nous faire passer un pont à pied, ma mère, mon frère et moi, avec quelques boîtes de conserves. Lui, avait envisagé de traverser avec la voiture et de nous rejoindre un peu plus tard, à 4 kilomètres du pont.

Mais… nous nous retrouvâmes seuls, sans nouvelles de mon père et de mes grands-parents que nous pûmes rattraper…trois semaines plus tard !

Dans notre aventure, nous avions été rejoints par un oncle et une tante qui avaient laissé leur voiture et qui nous ont un peu aidés. Nous sommes descendus ainsi jusqu’à Romorantin.

En cours de route, ma mère vola dans une épicerie, ce qui restait comme conserves et dit, je vous paierai quand je rentrerai. Ensuite, en chemin, elle trouva une voiture d’enfants, pour mettre mon petit frère qui était fatigué.

Puis, elle eut la bonne idée de traire une vache pour nous donner du lait. Nous mangions ce que nous pouvions.

Nous avons couché dans une auberge, et nous avons pris quelque repos allongés dans un cellier près des tonneaux.

Le lendemain, des soldats nous proposèrent de nous emmener dans leur camion. Mais ils subirent un bombardement et ils nous déposèrent à un croisement, à quelques kilomètres de Romorantin.

Nous avons terminé notre aventure à pied en passant par les bois et les mares de Sologne.

Nous fûmes hébergés dans une ferme, chez de vieilles personnes qui nous nourrissaient de lait de chèvre, de café et d’un peu de pain. Mais nous n’y sommes pas restés.

Puis nous avons été accueillis par d’autres fermiers en arrivant à Romorantin. Ils avaient de quoi manger, grâce au jardin, et un poêle à charbon de bois pour faire cuire nos repas.

L’oncle et la tante les ont aidés. Nous sommes restés à cet endroit, assez longtemps.

Nous avons pu avoir des nouvelles de mon père et de mes grands-parents par le biais du receveur de Romorantin qui savait qu’ils avaient atterri à Poitiers.

A Romorantin tout le monde était tranquillisé, car les nouvelles étaient bonnes des 2 côtés.

Au bout de quelques temps tout le monde est remonté vers Le Châtelet-en-Brie, avec des problèmes d’essence.

Nous avons retraversé la Loire. Nous avons eu un laisser-passer par les allemands, mais il a fallu trouver de l’essence. Mon père parlait allemand, nous avons pu en trouver et retourner au Châtelet.

La maison avait été pillée, mais les jouets avaient été mis à l’abri.

Les allemands avaient occupé le Châtelet, chez Madame Martin, la future femme de Guy Louviot, voisine de la famille Poisson. Nous étions amis de ces 2 familles. Papa et M. Poisson surveillaient ce qui se passait chez Mme Martin, car Monsieur Martin était caché dans les environs du Châtelet.

Un jour, il y avait un allemand dans le jardin « Martin ». Il s’approcha de la grille et me demanda : comment t’appelles-tu ?

– Monique répondis-je.

– Ah, Monika ! J’ai une petite sœur qui s’appelle Monika, en Allemagne, dit-il quelque peu nostalgique.

André Mary

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