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Modifiée le 13 mai 2020
Des bombes au Châtelet
Un chapelet de bombes tombe à l’orée du Châtelet-en-Brie
(14 juin 1944)
En 1984, à l’occasion de la Grande Commémoration des quarante années de la libération du canton du Châtelet-en-Brie, Georges Poisson, me fit part d’un événement qui s’était produit à une date qu’il situait au printemps 1944 ; un bombardier américain avait largué un chapelet de bombes à l’est du village, à trois cents mètres environ des premières maisons, en bordure de la route des Écrennes, sans causer le moindre dommage !
J’avais vécu cette époque à Sivry-Courtry et cela ne me disait absolument rien. En revanche, j’avais fait des recherches au sujet du lieutenant Ernest Gaston abattu le 26 aout 1944, et qui était l’élément central de cette commémoration que nos deux communes organisent tous les ans, depuis la création du monument en 1946.
Pour ma part, j’avais vécu un moment semblable à Sivry-Courtry, après le bombardement du triage de la Chapelle à Paris, le 24 avril 1944. Une directive gouvernementale avait incité les parents à envoyer les enfants à la campagne. C’est ainsi que je me trouvais devant la maison de mes grands-parents qui se situait place de l’église à Sivry-Courtry d’où j’observais le vol d’un groupe de bombardiers, qui volaient d’est en ouest à haute altitude. Les trainées blanches de condensations étaient bien visibles et, soudain, l’avion de tête se mit à émettre une fumée noire ; progressivement il glissa sous le ventre des autres avions, et s’engagea dans un piqué prononcé. Je vis quatre parachutes s’ouvrir et, soudain l’appareil explosa en mille morceaux qui disparurent derrière la végétation du parc de Sivry-Courtry. J’avais assisté quelques jours auparavant, à la chute de l’avion du Capitaine Ramsay, tombé à Fontaine-le-Port, le 12 juin 1944, abattu lui aussi par la « Flak1 » de Villaroche !. Et le temps passa. Pour moi l’avion était tombé du côté de Voisenon, mais occupé par mon travail, je gardai ce souvenir dans un coin de ma mémoire.
Enfin vint le jour de la retraite et alors que je passais à Voisenon, à la boulangerie, j’avisai un monsieur d’un certain âge à qui je demandai s’il était présent en 1944 dans ce village. Il me répondit par la négative, mais me demanda la raison de cette question. Je lui fis part de mes souvenirs et, très intéressé, il me dit qu’il se renseignerait.
Le temps passa, nous étions en 2006, et traversant à nouveau Voisenon, je vis mon interlocuteur qui marchait sur le trottoir avec un autre monsieur, je m’arrêtai et me fis connaître : « Ah je n’ai rien trouvé sur cet avion ! » me dit-il. A ce moment-là son compagnon me dit sur un ton péremptoire : « Il est tombé sur Champdeuil, mais je n’ai pas le temps de m’en occuper ! », J’allai donc à la mairie de Champdeuil,et là, une secrétaire me déclara qu’un habitant du village avait trouvé toute l’histoire sur internet !
Je contactai ce monsieur, qui bien volontiers me communiqua le site de sa découverte et, cerise sur le gâteau, à cette époque j’organisais une bourse toutes collections à Sivry-Courtry et une charmante habitante de la commune me dit que sa belle-mère qui habitait Champdeuil avait une photo d’un morceau de cet avion !
L’histoire de cette mission, où les américains perdirent une douzaine de bombardiers, se déroula le 14 juin 1944.
La Luftwaffe qui avait affecté la plupart de ses avions de chasse à la défense du Reich, voir « Le jour le plus long », n’avait pratiquement plus rien pour s’opposer au débarquement !
Il leur fallut rapatrier tous ces avions qui se posèrent sur les terrains de la région parisienne, Le Bourget, Brétigny, Coulommiers, Villacoublay, Villaroche. D’où, la mission de bombardement américaine.
En ce qui nous concerne, c’est de Villaroche que la « Flak » allemande toucha l’avion piloté par le Lieutenant JOHNSON, avec, comme co-pilote le colonel COOB qui commandait le groupe ; cet avion avait le serial : 42-9706.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là
Pour une raison inconnue, en effet, les bombardiers américains ne lâchèrent pas leurs bombes au premier passage, et firent « un 360° » par la droite. Par ailleurs, du côté de Bray-sur-Seine, ils furent attaqués par la chasse allemande ; un des avions, le B17G 42-107001, fut touché à la partie supérieure du fuselage, près de la tourelle dorsale, et un incendie se déclara. Le mécanicien navigant et le co-pilote, qui commandait le box de 12 avions, tentèrent d’arrêter l’incendie.
L’avion était sur son « bomb run2 », piloté par son viseur de type Norden. Ce dernier encore très secret et très complexe, permettait au bombardier de larguer ses bombes automatiquement, à condition que son réglage soit parfait ! Ce qui n’était pas toujours le cas, la « Flak » en particulier posait de gros problèmes !
Le pilote, le lieutenant Williams GIBBONS isolé dans sa cabine et voyant le feu prendre de l’extension, suivant les consignes, ordonna au bombardier de larguer les bombes et voyant l’incendie s’étendre il commanda l’évacuation de l’appareil. Malheureusement l’incendie avait détruit la boîte d’inter-connection de l’interphone et le pilote sauta par la soute à bombes ouverte, mais il sauta tout seul !
Entre temps, le co-pilote, le Capitaine Raymond SYPTAK et le mécanicien Paul BIRCHEN, avaient circonscrit l’incendie et ledit co-pilote ramena l’avion, avec deux moteurs sur quatre en panne, jusqu’en Angleterre, mais sans son pilote !
Ces deux combattants reçurent pour cette action, la « Silver Star », médaille attribuée à toute personne ayant accompli un acte de bravoure en temps de guerre.
Le pilote après avoir sauté, avait atterri à Nandy, près de Melun où il fut pris en charge par la Résistance. Les allemands bien entendu, avaient vu la chute du pilote et étaient à sa recherche.
Quinze personnes furent arrêtées, certaines furent torturées, neuf furent déportées en Allemagne, trois seulement en revinrent.
Malgré tout la « résistance », bien qu’amputée de certains de ses éléments, parvint après bien des péripéties, à lui faire franchir la Seine et il trouva refuge dans un château, où il retrouva ses camarades, deux mois plus tard.
Pour l’anecdote ajoutons que dans ce château vivait une jeune fille…Mais ceci est autre histoire !
Claude FOUCHER
P.S.
J’avais trouvé à l’I.G.N, (Institut Géographique National), des photos de la première mission aérienne d’après-guerre sur la région, en date de 1949.
Je pensais trouver des informations sur les points de chute et les épaves des combats de la Libération. C’est en effectuant ces recherches que je tombai sur le fameux « chapelet de bombes à l’orée du Châtelet-en-Brie ».
1 « de Fusée » était le patronyme d’une famille de noblesse de robe de Voisenon : Sous l’Ancien Régime, la noblesse de robe rassemble tous les nobles qui occupent des fonctions de gouvernement, surtout justice et finances.
2 La Flak : Mot allemand désignant une batterie de canons antiaériens statiques.