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Modifiée le 15 janvier 2023

Les Capitaineries royales des chasses…

Route tournante du Cuvier Chatillon pour suivre la chasse en attelage

Route tournante du Cuvier Chatillon pour suivre la chasse en attelage

Du temps des Romains le droit de chasse était considéré comme un bien commun. La chasse était donc libre. Ils importèrent ce principe en Gaule. Mais, au Moyen-âge des restrictions à ce droit se mirent en place progressivement. Ainsi, Louis XI (1460-1481) finit par l’interdire à tout le monde, aux nobles comme aux paysans, mais devant la farouche opposition qu’il rencontra, le roi y renonça.

Ce rapport de force entre le pouvoir et le peuple se poursuivit jusqu’à la Révolution de 1789, laissant un impact désastreux dans la société française. La chasse fut un des plaisirs préférés des rois. C’est ainsi que des territoires très importants, aux environs de Paris et plus particulièrement dans la Seine-et-Marne d’aujourd’hui comme nous allons le voir, furent destinés à cette activité.

François 1er reprit l’œuvre de Louis XI. Il ne s’appropria la chasse que sur certaines « réserves » bien déterminées avoisinant le domaine royal. Il engloba ainsi, d’autorité, des propriétés privées sans que quiconque puisse s’y opposer ou prétendre à la moindre indemnité en guise de dédommagement.

Pour les garder, il nomma des officiers appelés Capitaines. Il en fit « ses chasses gardées ».

C’est la raison pour laquelle on les appela « Capitaineries royales des chasses ».

Celle qui nous concerne, la Capitainerie royale de Fontainebleau est la première à avoir été instituée en France en 1534.

Le roi venait séjourner très souvent au château et pouvait s’adonner à l’un de ses passe-temps favoris, « selon son bon plaisir ».

Après François 1er les capitaineries se multiplièrent ; il en existait plus de quatre-vingts à la mort de Louis XIII en 1643. Louis XIV en réduisit le nombre à treize.

Les Capitaineries occupaient un personnel considérable, recruté par le Capitaine.

Uniformes des officiers et gardes des plaisirs

Uniformes des officiers et gardes des plaisirs

Avant la révolution de 1789, parmi les charges achetées à prix d’or, que des familles se transmettaient en héritage, une des plus recherchées et des plus lucratives, était celle de Capitaine des chasses royales. Celui-ci était nommé directement par le roi.

Pour l’exemple, à Fontainebleau, cette charge de Capitaine fut occupée à partir de 1655 par François-Gaspard de Montmorin marquis de Saint-Hérem ; cette charge resta dans sa famille jusqu’à la Révolution de 1789. Le dernier des Montmorin, Louis-Victoire Luce, fut massacré le 2 septembre 1792, à la prison de la Conciergerie.

Le Capitaine avait sous ses ordres, des magistrats, des procureurs, des receveurs d’amendes, des officiers, des huissiers et un grand nombre de gardes-chasses (gardes des plaisirs du roi) qui occupaient le terrain pour surveiller et punir toute transgression. Ils étaient investis d’une autorité pleine et entière ; institués pour assurer le respect des Ordonnances royales et pour veiller à la propagation et à la conservation du gibier dans tous les cantons du ressort de la Capitainerie.

Comment ces Capitaineries étaient elles régies ?

Depuis leur création, tous les rois qui se sont succédé ont légiféré selon « leur bon plaisir » comme ils aimaient à le dire.

C’est ainsi que les limites des Capitaineries, les droits, les devoirs et les interdits de chacun, évoluèrent selon les époques et … selon le bon vouloir et les intérêts des Capitaines !

Louis XIV, confronté à des réclamations et protestations multiples qui duraient depuis des siècles, sous prétexte d’en définir les limites précises par une Ordonnance de novembre 1669 et un Édit de novembre 1687, donna à la Capitainerie de Fontainebleau des agrandissements jamais atteints. Il y enclava dans ses possessions, du côté rive gauche de la Seine, un territoire de dix lieues de long sur neuf de large. Et sur la rive droite, un territoire allant jusqu’à enclaver le Châtelet et s’étendant bien au-delà.

En raison de ces immenses accroissements, on établit une deuxième juridiction au Châtelet-en-Brie. Cette instance employait un personnel important, comme nous le verrons ci-dessous. Dès lors, cette Capitainerie porta le nom de « Capitainerie de Fontainebleau, Bois et Buissons ».

Par ailleurs, le roi « défendit absolument à tous seigneurs, gentilshommes, hauts justiciers et autres, de quelque qualité et condition qu’ils fussent, de chasser, ou de faire chasser dans les limites de la Capitainerie bien définies par un bornage strict.

En 1788, la juridiction du Châtelet-en-Brie se composait comme suit : le marquis de la Roche-Du-Maine, était le lieutenant de capitainerie au siège du Châtelet ; le marquis de la Ferronays, seigneur de Livry, sous-lieutenant ; le Comte d’Asnières, greffier en charge ; Joisseau , huissier audiencier à Féricy ; Dubois, lieutenant de robe-longue pour Le Châtelet et Fontainebleau ; un Édit du roi d’avril 1777 créa cette charge ; Dubois d’Arneuville, procureur pour les deux sièges ; ainsi que bon nombre de gardes des plaisirs du Roy.

Les gardes des plaisirs au Châtelet-en-Brie

Les registres paroissiaux du XVIIIe siècle nous apprennent que de nombreux gardes des plaisirs se sont installés dans le village et y sont restés.

Notons simplement le nom de Louis-François Bachignard, né à Machault le 8 décembre 1714 ou 1715 ? Il est nommé garde des plaisirs du Roy à cheval au Châtelet le 22 octobre 1752.

Le 11 octobre 1763, il est le parrain de Louis-François Dupré, fils du maître d’école et de Françoise Bachignard. En 1766, il est aussi administrateur en exercice de l’Hôtel-Dieu du village, cumulant ainsi cette fonction avec celle de garde des plaisirs.

Usages, zèle et abus des membres de la Capitainerie

Dans cette institution, tous les fonctionnaires, du moindre garde portant fusil en bandoulière au Capitaine des chasses lui-même, tous font abus d’autorité, se montrent durs et intraitables, et certains agents, toujours à rechercher des délits, recourent à des moyens parfois malhonnêtes en intentant des procès qui ne se justifiaient pas. Par ailleurs, la chasse était interdite à tous, mais tous les fonctionnaires des Capitaineries s’octroyaient ce droit au mépris de tout et de tous. Le produit de leurs chasses était revendu au vu et au su de tout le monde. C’était une manne très lucrative. Il n’est donc pas étonnant que la protection du gibier passe avant tous les droits et avant l’intérêt du laboureur.

Sous le règne d’Henri IV, toutes les infractions sont sévèrement sanctionnées : elles peuvent aller d’une simple amende au bannissement et aux galères en cas de récidive, et même jusqu’à la peine de mort ! Cette dernière fut supprimée par Louis XIV en 1669.

Pierre-Denis Martin
« Vue de la maison royale de Fontainebleau », 1722,
huile sur toile, galerie des Fastes

Pierre-Denis Martin « Vue de la maison royale de Fontainebleau », 1722, huile sur toile, galerie des Fastes

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Toutes les paroisses où se trouvent des Capitaineries sont soumises aux vexations et à la peur. La plupart des habitants sont soumis à la ruine et à la désolation. Grâce à une surveillance de tous les instants, le gibier, gros et petit, pullule au point qu’on ne peut plus faire de récoltes car tout est saccagé, tous les jeunes plants sont rongés, dévorés. Le peu qui reste n’est plus rentable. Des plaines entières sont laissées à l’abandon. Des villages et des fermes sont désertés ; les terres ne sont presque plus louées, sinon à des prix dérisoires, car elles ont perdu de leur valeur.

En 1788, on écrivait dans un livre intitulé « Des Capitaineries, et en particulier de celle de Fontainebleau » : « Les Capitaineries sont de tous les fléaux le plus dangereux, puisqu’elles stérilisent les propriétés qui ont le malheur d’être dans leurs enclaves. C’est un fléau perpétuel, cent fois pire que la guerre, ou la famine, etc. ».

La plaie des Capitaineries, s’étend et s’aggrave de plus en plus, jusqu’au jour où, l’Assemblée constituante, après l’abolition des privilèges dans la nuit du 4 août 1789, met fin à l’unanimité des 3 ordres à cette triste institution.

Les Capitaineries enfin supprimées le 7 août 1789 !

Les nobles comme les petits cultivateurs furent enfin libérés du joug qui les contraignait depuis si longtemps. Ils vont pouvoir commencer à vivre !

Une anecdote en guise de conclusion. Les loups n’étaient pas rares en Brie. C’est ainsi que nous apprenons que le 30 septembre 1725, le roi Louis XV vint chasser dans les environs du Châtelet, au buisson de Massoury. Mais ceci est une autre histoire…

À suivre !

A. Mary