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Modifiée le 12 décembre 2024
Histoire du clocher qui penche
Un peu d’histoire
L’église Sainte Madeleine du Châtelet-en-Brie compte parmi les grands édifices de Seine-et-Marne. Elle se dresse au cœur du village et son clocher qui s’élève à plus de 42 mètres de hauteur forme le point de mire de toutes les routes des environs.
Le plan est relativement simple, mais les voûtes sexpartites du chœur et les charpentes de la nef témoignent d’une construction en plusieurs étapes, relevant de commanditaires différents.
Le chœur semble dater de la première moitié du XIIIème siècle, ainsi que la nef bien qu’elle ait été réaménagée durant le Moyen-Âge.
Contre le côté nord du chœur, se dresse le clocher de trois étages dont les 2 premiers ont été bâtis dès le XIIIème siècle, alors que le dernier niveau date de la fin de l’époque médiévale (XVème siècle), voire même de l’époque classique (XVIIesiècle).
Classée depuis 1921 par les Monuments historiques, l’église n’a pas reçu de restauration conséquente depuis plus d’un siècle (1894).
D’où l’état dégradé constaté par Jacques Moulin, architecte au moment de l’évaluation comme nous allons le voir ci-après.
Notre église a belle allure depuis la rénovation intérieure et extérieure dont elle a bénéficié depuis 1998 et qui s’est achevée par une inauguration en 2018.
Mais il aura fallu plus de 10 ans avant que les plans régionaux de rénovation envisagés dès le début des années 80 ne commencent enfin.
Des études préalables à l’exécution de ces travaux ont été effectuées par les architectes des Monuments nationaux, M. Rochette et M. J. Moulin, en 1984 et 1988, pour faire un état des lieux.
L’état général de l’église n’était pas bon ; il était assez dégradé et pouvait même susciter quelques inquiétudes par endroits. Mais c’est surtout l’état du clocher qui était préoccupant et devait retenir une attention toute particulière avant toute autre intervention.
En effet, si l’église du Châtelet est remarquable sur bien des points, personne n’a pu rester insensible au fait que son clocher penche.
Depuis quand penche-t-il ainsi ? et pourquoi ? C’est ce que nous allons voir ci-après.
Le clocher et ses désordres
L’étude de 1988, a mis en évidence des désordres structurels datant de la construction du XIIIe siècle.
En effet, les sondages manuels (carottages voir ci-contre), les mesures et analyses en profondeur des géomètres, ainsi que des fouilles, ont révélé que le clocher n’avait pas ou très peu de fondations.
Il reposait sur un remblai de 90 centimètres et sur une lamelle de pierre de 2 mètres d’épaisseur qui était complètement fracturée !
Les mouvements de terrain au fil des siècles, et les aménagements successifs des abords de l’église provoquèrent un tassement des appuis du clocher.
Ces mouvements sont réapparus au cours du XXesiècle, car de vieilles fissures se sont reformées au bas de l’édifice. Ils ont accentué l’inclinaison déjà existante qui est portée à 76 cm en son sommet.
Il est bon de noter que cette structure pèse plus de 1000 tonnes .
On est en droit de se demander comment cela a pu se maintenir debout durant plus de 800 ans. Un miracle ?
En poursuivant ces investigations plus en profondeur, les résultats du sondage géotechnique effectués entre les contreforts nord du clocher montrent des terrains marneux hétérogènes, plus ou moins plastiques.
Le véritable bon sol stable constitué par le calcaire de Champigny se trouve à près de 20 mètres de profondeur, bien loin des fondations médiévales du clocher.
Des travaux de stabilisation et de consolidation se sont avérés urgents.
Ils consistèrent en une reprise complète des fondations du clocher.
Il s’est agi de descendre les charges du clocher jusqu’au calcaire de Champigny situé comme on l’a vu, à une vingtaine de mètre de profondeur.
L’accès limité aux fondations dû à l’exigüité de l’espace d’intervention à l’intérieur de l’église, a nécessité l’utilisation d’un matériel léger et peu encombrant.
Travaux de confortation
Le procédé retenu pour cette restructuration fut la création d’un réseau de 9 micropieux à chaque angle du clocher, en béton, scellés aux fondations primitives du XIIIe siècle et les descendre jusqu’au bon sol. (Voir les schémas ci-contre.)
Nota : « Un micropieu est un forage de 20 mètres de profondeur et d’un diamètre de 20 à 25 cm dans lequel on coule du béton ».
Cette réalisation comporta 3 étapes :
1 – Un forage à travers la fondation d’origine (le massif ancien) pour la mise en place d’une dizaine de micropieux afin de stabiliser quelque peu lesdites fondations et pour éviter de les fragiliser davantage lors de l’intervention.
2 – La réalisation de l’élargissement de la fondation ancienne au moyen de poutres en béton armé venant ceinturer ce massif ancien, « le moiser », pour le renforcer et en augmenter le volume.
3 – Le forage des micropieux complémentaires (une vingtaine), à travers la maçonnerie neuve sur tout le pourtour du clocher, afin de le consolider définitivement.
Après la reprise de ces fondations, il a été procédé à la consolidation des parties hautes du clocher.
En effet, parmi les désordres qui l’affectaient, est venue s’ajouter la mauvaise qualité de la maçonnerie du dernier étage ; montée en grès de petite taille, elle avait pour conséquence des déformations significatives, ainsi que des dégradations des pieds de charpente, accentuant l’inclinaison du clocher.
C’est ainsi que les maçonneries déstabilisées ont été remontées de manière traditionnelle après avoir enlevé des tirants métalliques rouillés qui avaient fait éclater les pierres. Ces tirants avaient été installés au XIXe siècle.
Les travaux de réhabilitation du clocher durèrent 4 ans. Ils furent émaillés de plusieurs interruptions du chantier dont l’une d’elles se poursuivit pendant 18 mois.
Ces arrêts étaient dus, soit à l’intervention des Monuments historiques qui entreprirent des fouilles archéologiques en raison de découvertes inattendues : ossements humains de sépultures provenant de l’ancien cimetière situé autour ou dans l’église jusqu’au XVIIIes, soit des arrêts dus à des problèmes techniques.
Fin du chantier 2002 ! Notre clocher était enfin sauvé.
Mais il restera « vitam aeternam » notre tour de Pise.
Les cloches
Avant la Révolution de 1789, le clocher du Châtelet renfermait quatre cloches accordées formant un carillon. Elles avaient été fondues en 1614. Il n’en reste que la grosse. Les autres, descendues en 1794, furent transportées au district de Melun, et de là, à Paris pour servir à la fonte de canons.
Notons pour l’anecdote qu’au XVIIIe s, le Châtelet eut pour sonneur-carillonneur un membre de la famille Pasquier, de Melun, remplissant cette même fonction depuis plusieurs générations à l’église Saint Aspais. L’un de ces descendants sonna encore les cloches de cette même église jusqu’au milieu du XXe siècle !
Trois autres tranches de rénovation suivirent et durèrent jusqu’en 2018 !
La dernière d’entre elles, fut la réhabilitation de l’intérieur de l’église.
L’objectif était de donner une lecture cohérente au bâtiment.
C’est ainsi que du mobilier des XVIIe et XVIIIe siècles a repris sa place d’avant la restauration de l’église de 1894.
Ce fut le cas d’un retable sculpté par Vincent Guittard d’Héricy en 1695 ; il a été démonté pièce par pièce, puis restauré et replacé dans le sanctuaire.
André Mary