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Modifiée le 2 avril 2017

1734, un inventaire après décès

Deuxième partie : L’étain, et la vaisselle.

 

Greuze le gâteau des rois 1774 Plats et cruches en étain

Greuze le gâteau des rois 1774
Plats et cruches en étain

L’inventaire de Jeanne mentionna la présence d’étain dans sa vaisselle, de la manière suivante :  » La quantité de soixante et huit livres d’Etain commun et plusieurs ustensiles de ménage, prisé chacun une livre a Raison de quinze Solz ce qui revient à la somme de Cinquante une livre tournois ». Si on ne relève aucune description de ces ustensiles, c’est tout simplement que la vaisselle d’étain était prisée au poids et dans ce cas précis, la somme s’élevait à 51 livres tournois. Ces ustensiles étaient façonnés dans de l’étain commun, ayant une valeur marchande inférieure à celle de l’étain fin. Probablement, étaient-ce des gobelets et des couverts, car ceux-ci n’apparaissent jamais dans cet inventaire.

Un grand nombre de paysans briards possédait de la vaisselle d’étain. Ce métal avait la réputation de conserver la pureté des aliments et des boissons et surtout était beaucoup moins onéreux que l’argent avec lequel il pouvait toutefois rivaliser lorsqu’il était bien poli.
Pour clore ce chapitre consacré aux ustensiles de la ménagère, attardons nous quelques instants sur leurs qualités.

 

Extrait d’original de l’inventaire de Jeanne Vaumorin (Archives départementales 77 cote B 94)

Extrait d’original de l’inventaire de Jeanne Vaumorin
(Archives départementales 77 cote B 94)

Majoritairement, ces objets apparaissent dans bon nombre d’inventaires briards.
En ce qui concerne cet inventaire, les prisées demeurent relativement faibles ; la moitié d’entre elles n’atteignent pas la livre. De surcroît souvent les petites pièces sont estimées par lots.
C’est notamment le cas des instruments nécessaires au fonctionnement de la cheminée où six ustensiles sont prisés et estimés « ensemble », à 40 sols, sans oublier la présence récurrente de qualificatifs mettant en avant l’état de vétusté de certains ustensiles tels que, « vieux-vieilles-mauvais » ou l’expression « attendu le peu de valeur ».
Les matériaux les plus utilisés pour l’ensemble des récipients, assiettes etc… En bref, tout ce qui concerne la vaisselle, est en fer, voire en tôle ou en cuivre jaune. Seule « la lampe de pothin » renferme du cuivre rouge qui est un métal beaucoup plus onéreux que le jaune. Seulement deux marmites et une chaudière sont en fonte.

Assiette en cuivre XVIIIe siècle

Assiette en cuivre XVIIIe siècle

On note la présence de faïence pour les assiettes et de bois pour les cruches, carafes et bouteilles ; les ustensiles en verre n’étaient pas usités à l’époque.
Le montant des prisées s’échelonne entre, 15 sols pour : deux « chaufferettes », un chandelier, un martinet, un soufflet et une lanterne, et 51 livres pour l’étain : le vrai luxe du matériel de cuisine.

 

 

 

Quittons le coin cuisine pour examiner le mobilier.

Toujours dans le chauffoir, nous découvrons six planches de bois blanc, servant d’étagères ainsi que deux planches, l’une en sapin et l’autre en chêne, mesurant chacune 1 « toise » soit un peu moins de 2 mètres, une table en chêne d’une longueur de 8 « pieds », soit environ 2,60 mètres, assortie de ses deux « banselles » : bancs longs et étroits, puis trois chaises paillées.


Les lits.

Ils tenaient une place essentielle dans la pièce principale des villageois, surtout lorsqu’ils ne possédaient pas de chambre, ce qui fut le cas de Jeanne.
En premier, sera décrite et expertisée une « Couche » à hauts piliers en noyer, sorte de lit à baldaquin, garni d’une paillasse, et entouré de serge d’aumale verte, qui est une étoffe de laine. Venaient ensuite deux lits de plume, l’un à toit de « cotty », un tissu épais et résistant, et ’autre à toit de toile, probablement du chanvre ou du lin ; et pour finir, un petit lit d’enfant.
S’ensuivit l’énumération des parures : un traversin de plumes, deux draps de « grosse de toille », une couverture de laine blanche, une autre de laine verte et un oreiller. Le tout ensemble, les lits et leurs parures, furent estimés en un seul lot, la somme de 60 livres tournois.


Les Coffres, armoires et bahuts.

coffre du XVIIIe siècle

coffre du XVIIIe siècle

Très cités dans les inventaires des villageois, ces meubles servaient à ranger vêtements, linge de maison et autres trésors.
Pour cela, le mobilier de Jeanne comprenait trois coffres et une armoire : « un vieux coffre de Bois de Chesne » de 3 pieds de longueur, « Sans Serrure ny Clef », dans lequel « ne S’est rien Trouvé Sinon[…] plusieurs petites pièces de linges et etoffes », ayant si peu de valeur qu’elles ne purent être ni prisées, ni estimées.
Le coffre lui-même, au regard de son état de délabrement, ne fut estimé qu’à 15 sols. Les deux autres, en bois de noyer, longs de 4 pieds, et en meilleur état, équipés en outre de leur ferrure, serrure et clé, furent en revanche respectivement estimés à 10 et 9 livres tournois chacun.
Enfin, une vaste armoire en noyer, à deux corps, quatre volets et deux tiroirs, « garny de Sa ferrure, Serrure et Clef », atteignit à elle seule la somme de 25 livres tournois.


Et leur contenu.

Vêtements, nappes, serviettes, draps et pièces de tissus variés, s’empilaient sans discrimination dans les divers meubles.
La garde-robe de Jeanne nous offre un bref aperçu des tenues en usage dans la population rurale du XVIIIe siècle. Elle se composait de : « trois justes », sortes de corsages serrant le corps, dont un « Vieux », un corset dont l’usage était le même que « le juste », six jupes, quatre tabliers, dix chemises « à Usage de femmes dont six neuves Et les autres presque Usees » et trente pièces de « menu linge de teste ».
Constatons que ce trousseau demeurait fort modeste, à l’exception des chemises, dont la somme estimée atteignait 15 livres tournois.
Il semblerait que la chemise ait été le vêtement que les villageois possédaient en grand nombre dans leurs armoires, car la chemise faisait office de sous-vêtement et devait être lavée plus souvent.
Cependant, l’inventaire complet de ses tenues fut estimé à 55 livres tournois.
Les matières les plus usitées pour confectionner les habits restaient le lin et le chanvre qui étaient cultivés sur place, et la serge « de mouy », sorte d’étoffe de laine grossière. Cependant, dans le trousseau de Jeanne, nous trouvons un peu de couleur comme le rouge et le blanc, ainsi que quelques étoffes légères et délicates, telles l’étamine et la siamoise qui s’apparentaient à des cotons fins.
En outre, en Brie comme partout en France, les femmes portaient toutes, des coiffes.
Jeanne ne faisait point exception à la règle puisqu’elle en possédait trente.
Pierre, son défunt époux possédait également une belle collection de chemises : six neuves, trois « presque usees » et une de toile fine : l’ensemble estimé à un peu plus de 18 livres.
En revanche, le peu de vêtements qui restait, à savoir deux « justaucorps » en drap, sorte de vêtement à manches, descendant jusqu’aux genoux et serrant la taille et une culotte de panne à « demi usee » : la panne étant une étoffe de soie ou de laine proche du velours, ne purent être estimés car Jeanne les destinait à l’usage de son fils. Etait-il possible que Pierre n’ait eu que si peu de linge lors de son décès ou avait-il disparu au fil des deux années écoulées ?
Outre les vêtements, tiroirs et coffres regorgeaient de tissus et de linges de maison, dont douze serviettes de toile de chanvre, quatre nappes de grosse toile « peu de valeur », quatorze draps de toile d’étoupe « dont trois neuf et le reste a demy use », une pièce de toile de chanvre et étoupe de 17 « aulnes ». Soit près de 20 mètres, atteignant, pour cet article la somme de 21 livres tournois, et pour le tout, la somme de 45 livres tournois.
Le chanvre, cultivé dans la région produisait une sorte de filasse dont l’étoupe était la partie la plus grossière.
Et enfin, dans les tiroirs et coffres se cachaient de menus objets comme, « une montre à L eau d’Etain fin avec Sa Broche », valant 1 livre tournois, ou, « une seringue avec Son Etuy et autres pour l’utilité » valant 4 livres tournois, dont l’usage reste énigmatique. A moins, qu’il ne s’agisse d’une seringue à ondoiement que certains foyers possédaient par précaution.
Plus insolite, la présence de trois tasses d’argent, véritables petits trésors, pesant ensemble 10 onces et demi, à raison de 50 livres tournois le marc , ce qui revenait à la somme de 65 livres tournois. Souvent gravées d’un nom, sans doute offertes lors des baptêmes, elles apparaissent peu parmi les biens paysans.
Pour en terminer avec l’inventaire du chauffoir, citons l’existence pêle-mêle d’un garde manger, de deux billots à découper la viande, un couperet, deux serpes, un crible, un rouet à filer, un dévidoir et écheveau.
On peut aisément imaginer l’état d’encombrement de cette unique pièce à vivre avec ses gros meubles, ses outils, ses ustensiles et la promiscuité que cela impliquait.
Imaginons aussi, Jeanne filant la laine, ravaudant le linge de la maisonnée, à la lumière de la chandelle au cours des longues soirées d’hiver.
L’inventaire ayant commencé à 3 heures, de l’après midi, il fut décidé de le poursuivre le lendemain « Et attendu qu il est Sept heures de Rellevée nous Nous Sommes Retires […] pour la Continuation du present Inventaire a demain huit heures du Mattin ».

 

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