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Modifiée le 15 janvier 2017

Les tribulations d’un instituteur

au Châtelet-en-Brie

Né à Saint Germain-Couilly en 1813, le sieur Marie Toussaint Lacour fait partie de la première promotion de normaliens sortants en 1835 de la toute jeune Ecole Normale d’ instituteurs créée à Melun en 1833.

Le jeune Lacour âgé de 23 ans, un des meilleurs élèves de sa promotion, titulaire du Brevet de Capacité, est pressenti pour succéder au sieur Maltet démissionnaire au Châtelet-en-Brie.
D’emblée, ce jeune homme va se heurter à l’hostilité des châtelains et devoir affronter leur méfiance.

Pourquoi ? En fait, entre la démission du sieur Maltet et la sortie de l’Ecole Normale du sieur Lacour, quelques mois se sont écoulés.

La commune du Châtelet soucieuse de ne pas priver les petits châtelains d’instruction a permis l’installation provisoire du sieur Jacquinot en tant que maître d’école. Cet homme âgé de 32 ans et père de famille est estimé de tous les villageois, ainsi que du Comité local et du Conseil municipal.

Et notre village, à l’instar de nombreuses autres communes à cette époque, éprouve une grande méfiance envers les jeunes instituteurs sortant de l’Ecole Normale.

La commune s’inquiète au point de consigner dans une délibération du Conseil municipal : « Ils sont formés on ne sait pas trop comment, par une école qui n’a pas encore fait ses preuves ».

Parents et conseillers municipaux se déclarent hostiles à la nomination du jeune Lacour.

Une pétition, signée par de nombreuses familles, en faveur du maintien en poste du sieur Jacquinot est lancée.

 

Pétition des châtelains en faveur du maintien du sieur Jacquinot au Châtelet

On ne recense pas moins de 38 lettres échangées entre les partisans du sieur Jacquinot : les autorités locales, et leur adversaire : l’administration supérieure de l’Instruction Publique.

Le conflit va durer quelques mois. Il faudra l’intervention du ministre pour le régler.

Dès lors, sommé par l’administration, le sieur Jacquinot devra quitter définitivement le Châtelet.

Le sieur Lacour va enfin pouvoir occuper le poste vacant d’instituteur communal.

Le 18 août 1836, on procède à l’installation du sieur Lacour. La séance est publique et, celui-ci doit, selon la législation en vigueur, prêter serment « Je jure fidélité au roi des français, obéissance à la charte constitutionnelle et aux lois du royaume ».

 

Acte officiel du ministre nommant le sieur Lacour

Cette fois la loi est respectée ; nous avons un jeune instituteur prêt à affronter sa première rentrée des classes en septembre 1836.

Mais les ennuis continuent !

A peine installé, le jeune Lacour rencontre des difficultés, car si la maison d’école a été remise à neuf, tous les travaux ne sont pas terminés le jour de la rentrée des écoliers.

Les plaintes de notre pauvre maître se succèdent et les occasions de se lamenter ne vont pas manquer :

Ainsi les plâtres ne sont pas secs… le mobilier n’est pas posé…le jeune Lacour doit recevoir ses élèves dans la petite chambre où il couche…l’ancien mobilier craque de vétusté, les enfants tombent, ce qui cause du tumulte dans la classe et aboutit à ce que de nombreux écoliers désertent l’école.

Cependant, à la misère matérielle s’ajoutent d’autres menaces mettant en péril les maigres revenus de notre instituteur.

Pour la petite histoire il est bon de préciser que l’école n’étant pas gratuite les parents payaient à la commune une certaine somme pour chaque enfant scolarisé. Cette somme, appelée « rétribution scolaire », contribuait au revenu de l’instituteur.

Il n’était donc pas rare que les maîtres souhaitent avoir une classe surchargée, même si les conditions de travail étaient rendues très difficiles par le nombre très élevé d’écoliers.

Dans cet esprit, le sieur Lacour se plaint de l’existence d’une classe mixte d’adultes non autorisée, dirigée par l’agent voyer. Ceci lui porte tort dans la mesure où il attend l’autorisation d’en ouvrir une.

Puis il dénonce l’ouverture d’une nouvelle école clandestine n’ayant pas satisfait aux obligations imposées par la loi du 28 juin 1833 : ce qui lui retire une partie de ses élèves.

Enfin, en 1842, la nomination d’une institutrice communale amenée à prendre en charge l’éducation des petites écolières va à nouveau lui porter préjudice.

Le sieur Lacour estime que la présence de son beau père, ancien instituteur, et de sa femme dans sa propre classe lui permet d’assurer l’instruction de plus de 100 écoliers et écolières. Il ne souhaite donc pas la création d’une classe de filles.

La commune du Châtelet n’accède pas à sa demande et le sieur Lacour devra se priver d’une partie de ses revenus.

Pour finir le sieur Lacour démissionnera en octobre 1849 cédant la place au sieur Chaussin natif du Châtelet-en-Brie. Il occupera ce poste durant près de 30 ans…mais ceci est une autre histoire !

 

Le sieur Lacour se plaint au préfet de la nomination d’une institutrice au Châtelet