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Modifiée le 10 janvier 2017

Histoire du Lavoir

Le lavoir tel qu’on peut le voir aujourd’hui à l’entrée du parc Sainte-Reine « se la coule douce », alimenté par une source pour se déverser dans le ru du Châtelet. Il a été complètement restauré et aménagé en 1990 pour s’intégrer au cadre du parc et permettre aussi parfois l’organisation de concours de pêche.

 

Façade du lavoir après la restauration de 1990 (Collection SHCB)

Façade du lavoir après la restauration de 1990
(Collection SHCB)

 

S’il est bien silencieux dans ses murs aujourd’hui, inspirant le calme et la sérénité, il profite d’une retraite bien méritée. Ceci ne fut pas toujours le cas car, ce lieu fut, durant une grande partie du XIXe siècle et jusqu’au milieu du XXème, un endroit convivial à haute valeur sociale. Tout en travaillant durement en effet, c’est là que nos « laveuses » faisaient et défaisaient une partie de l’histoire locale. Comme nous le verrons, tel un véritable quotidien, une partie du journal de la vie du Châtelet s’écrivait ici.

Qu’en est-il des origines de ce lavoir et quelles en furent ses diverses transformations ?

Aucun élément ne nous permet de dater la construction du premier bâtiment. Ce que l’on peut dire, c’est qu’en 1853, la municipalité dresse un devis pour la démolition de l’ancien lavoir qui date au moins du début du XIXème siècle. On peut supposer que cette démolition n’a pas eu lieu car aucune délibération de conseil municipal ne laisse apparaître de dépenses engagées pour ce travail. La commune doit en effet, faire face à cette époque, à des tâches bien plus urgentes : projets de construction des écoles, de la mairie, de la salle de justice de paix etc…

En revanche, en 1866 des travaux de peinture sont effectués pour le compte de la commune et en 1880 des travaux de ravalement intérieur et extérieur, ainsi que de couverture sont exécutés par l’entreprise Champenois du Châtelet pour la somme de 161 francs, sous la direction de l’architecte M. Bulot.

Mais c’est surtout en 1885-1886 que les transformations les plus importantes ont lieu au lavoir.
En effet, les travaux d’agrandissement sont attribués à l’entreprise Chevrier de Fontaine-le-Port pour un montant de 2704 francs. C’est ainsi que le lavoir est rallongé de 6 mètres pour atteindre une longueur de 18 mètres. Il est fermé en amont et en aval ; des travaux de couverture, de ravalement et de peinture sont exécutés et un cabinet d’aisance est construit.

Mémoire des travaux de 1885 (Archives communales)

Mémoire des travaux de 1885
(Archives communales)

Travaux de rallongement du lavoir en 1885 (partie rouge) (Archives communales)

Travaux de rallongement du lavoir en 1885 (partie rouge)
(Archives communales)

En 1946, d’importants travaux de réhabilitation sont à nouveau entrepris : dallage du sol, réparation de la charpente, remplacement des 2 portes en façade, remplacement de la vitrerie.
En 1990 enfin, dans le cadre du premier contrat régional, pour un coût total de 200.000 francs (30.000 euros), dont une subvention de 115.000 francs (17.500 euros), l’entreprise Guglielmetti restaure complètement le bâtiment en surélevant les pignons d’un mètre.

 

Le lavoir avant la restauration de 1990 (Collection SHCB)

Le lavoir avant la restauration de 1990
(Collection SHCB)

Intérieur du lavoir depuis 1990 (Collection SHCB)

Intérieur du lavoir depuis 1990
(Collection SHCB)

 

Mais, comment lavait-on le linge autrefois
et jusqu’en 1940 ?

L’opération de lavage s’effectuait en plusieurs étapes : L’essangeage, le coulage, le lavage et le rinçage. Les deux premières opérations s’effectuaient à la maison. « L’essangeage », vocabulaire disparu, consistait en une sorte de prélavage par trempage dans de l’eau claire, afin d’éliminer les premières taches.

Le lendemain, on procédait au « coulage à chaud ». Il s’agissait, d’un traitement particulier du linge garni de cendre servant de lessive ; le linge était placé au fond d’une cuve. On versait ensuite de l’eau bouillante qui traversait le tissu, entraînant le détergent. L’eau était progressivement évacuée par une « pissote » placée sous la cuve. Cette action était répétée plusieurs fois. A la suite de ce traitement, le linge avait pris une couleur grisâtre.

On devait alors se rendre au lavoir afin de procéder au « retirage » pour enlever les dernières taches rebelles, et au rinçage. On savait quand les laveuses partaient au lavoir car elles transportaient leur linge sur des brouettes en bois avec une roue cerclée de fer ; elles faisaient un bruit d’enfer en traversant le village ainsi chargées.

 

Laveuse allant au lavoir (Collection SHCB)

Laveuse allant au lavoir
(Collection SHCB)

Laveuse allant au lavoir (Collection SHCB)

Laveuse allant au lavoir
(Collection SHCB)

 

Un peu avant la seconde guerre mondiale les cuves en bois ont été remplacées par des lessiveuses en métal galvanisé, munies d’un tube central terminé par un « champignon », sorte de pomme d’arrosoir. 

On garnissait de cristaux de soude, de carbonate ou de paillettes de savon de Marseille et l’on pratiquait le « coulage à chaud » en faisant bouillir l’eau qui circulait en circuit fermé.

Au lavoir

Dans les années 1930 et après guerre, les laveuses entraient par la grande porte latérale et chacune avait sa place par tacite réservation. Elles étaient une dizaine d’habituées à se retrouver là très régulièrement. C’étaient les laveuses à la journée. Mais elles n’étaient pas les seules à fréquenter ce lieu car, nombreuses étaient celles qui pouvaient venir de l’autre bout du village, de la rue du Château par exemple, pour laver leur linge personnel.

Chacune d’elles avait son propre matériel ; elles s’agenouillaient dans un « cabas », une sorte de boîte en bois garnie de paille, et battaient le linge avec une palette en bois, ou frottaient avec une brosse en chiendent pour venir à bout des taches qui daignaient leur résister encore.
Elles possédaient des produits de toutes sortes, et des recettes parfois très originales : eau de javel, boules de « bleu » pour le linge blanc, fleurs de saponite, lierre pour le linge de couleur, racines d’iris et même …De l’urine en guise « d’ammoniaque naturelle » ; l’histoire ne nous dit pas comment se déroulait l’opération. C’était paraît-il souverain pour les taches sur le linge noir. Le séchage se faisait à domicile.

Dans le petit bassin d’où sort la source, les laveuses, mais aussi de nombreux habitants du village, venaient mettre leurs boissons au frais, en plongeant leurs bouteilles accrochées à une ficelle. On ne notait jamais de vols.

Par ailleurs, les gens du village venaient puiser l’eau potable de cette source pour leur consommation personnelle.

Tous les samedis, le garde-champêtre venait nettoyer le petit bassin (la source) et le lavoir.
Une vanne permettait d’abaisser le niveau de l’eau et, armé d’un lave-pont, il récurait les côtés et le fond des bassins.

C’était une opération indispensable pour l’hygiène et la propreté du linge.

Quelle était l’ambiance au lavoir ?

Malgré la pénibilité de la tâche, tout cela se passait plutôt dans la gaieté et dans le bruit. Les bavardages allaient bon train, et les dernières nouvelles circulaient à la vitesse de l’éclair. Il n’y avait aucun tabou, tout y passait, fiançailles, mariages, histoires de familles, nouvelles du pays, détails intimes plus ou moins croustillants, cancans, discussions parfois vives.

Rosine était la maîtresse des lieux, baptisée « radar », ainsi nommée pour sa vivacité à rapporter les nouvelles fraîches. Mme Rey avait une voix de stentor et n’avait pas besoin de beaucoup l’élever pour se faire entendre !

Ces « habituées » avaient un véritable pouvoir et étaient reconnues pour leur talent de conteuses. Toutes les informations qui émanaient du lavoir s’appelaient le « petit journal ». Et tous les villageois savaient d’où émanait un renseignement quand on disait qu’il venait du « petit journal ».

Il était de coutume d’arriver par la grande porte latérale. Si quelqu’un rentrait par là, la conversation se poursuivait et les battoirs s’atténuaient à peine, car c’était nécessairement quelqu’un de connu qui rentrait. Mais si l’on pénétrait dans le lavoir par la petite porte, c’était immédiatement le silence jusqu’à ce que la personne soit identifiée. Pourquoi cette méfiance ? Avaient-elles quelque chose à se reprocher ?

Pour la petite histoire, sachez que Mme Caillères (ou Cayères ?) était la spécialiste pour le repassage à domicile du linge délicat, et Mme Desrosiers fut la dernière laveuse professionnelle au Châtelet.

Dans les années 50, la municipalité avait fait installer un fourneau en briques, permettant aux laveuses de réchauffer leurs lessiveuses ; à la chandeleur elles faisaient des crêpes et invitaient le maire et ses adjoints à participer aux festivités.

C’était aussi l’occasion de goûter le vin du Châtelet, eh oui ! Venant de la production de M. Charles Charpentier, père de Guy, qui possédait une vigne au lieu-dit « le désert ». Mais comme tout à une fin, avec l’arrivée dans les foyers de la machine à laver, le lavoir cessa d’être utilisé vers 1960.

Nous voudrions au passage remercier, pour sa contribution à cet article, notre compatriote et ami Guy Charpentier, conteur émérite, qui nous régale régulièrement, avec sa verve reconnue, de quelques belles anecdotes qui font revivre le passé.

Nota : Un mystère concernant ce lavoir demeure.

En effet, sur une pierre du pignon, côté parc Sainte-Reine, est gravé le nom de: CHARLES MAIRE. Qui était ce monsieur ? Si quelqu’un a une information à ce sujet…nous sommes preneurs.

 

Arrière du lavoir après restauration de 1990 (Collection SHCB)

Arrière du lavoir après restauration de 1990
(Collection SHCB)

Charles Maire Détail (Collection SHCB)

Charles Maire Détail
(Collection SHCB)