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Modifiée le 21 novembre 2018

Inventaire après décès de Paul Auger -1

Le Traveteau, 1747 (1ère partie)

Trois bulletins du « Vivre au village » parus en 2013 ont été consacrés à la rédaction d’un inventaire après décès de Pierre Croslot réalisé en 1734, soit deux ans après, sa mort.

Rappelons qu’un inventaire après décès consiste en l’énumération et la description des biens d’un défunt. C’est un document qui est établi à la demande des survivants, conjoint ou enfants, créanciers ou autres légataires.

Il est d’usage de dresser cet inventaire le plus rapidement possible, au cours des 3 mois suivant le décès.

En effet, plus sa rédaction est tardive, moins l’inventaire est fiable, car quelque héritier peu scrupuleux pourrait être tenté de divertir, de subtiliser, des biens en dehors de toute légitimité. Il est courant, que ce document se divise en deux parties : l’une est consacrée aux biens mobiliers, l’autre aux papiers (contrats, reconnaissances de dettes, etc.).

L’inventaire que nous vous proposons aujourd’hui offre une première particularité ; en effet, à aucun moment ne sont mentionnés les contrats ou les éventuelles dettes, etc.

Rien n’est indiqué concernant le douaire, à savoir, ce que le mari donne à sa femme en faveur du mariage qu’il contracte avec elle et dont elle pourra jouir si elle lui survit.

Rien également sur le préciput ; c’est un avantage donné au survivant de reprendre certains biens avant partage entre les héritiers.

Au 18e siècle, notre région est régie par la Coutume de Melun, véritable code civil où toutes les lois sont répertoriées (justice, droits des personnes, etc.). La coutume était différente d’une région à l’autre. C’est cette référence qui est prise en compte au Châtelet-en-Brie.

L’énumération de tout ce qui compose un inventaire s’effectue pièce par pièce de la maison et mention est faite du jour et de l’heure où le relevé débute et se termine. C’est ainsi, que meubles, vaisselle, linge, outils, provisions (vin, graines, huile etc.), animaux sont scrupuleusement inventoriés. La cheminée qui fait partie de la construction, ainsi que ce qui est planté en terre (considérés comme biens immeubles), ne seront pas répertoriés.

L’inventaire en question aujourd’hui fut rédigé plus rapidement que de coutume.

En effet, Paul Auger, laboureur fermier au Traveteau, décéda le 23 Janvier 1747, âgé de 50 ans. Selon les registres paroissiaux, il fut inhumé le lendemain au cimetière du Châtelet-en-Brie par le curé Henriot (Registre 5MI 1908 (1739-1765) AD de Seine-et-Marne).

Le jour même de l’inhumation, débuta l’inventaire des biens du défunt.

On ne saurait dire la raison ayant motivé cette urgence.

L’inventaire qui suit, sera parfois transcrit en italique, à l’identique, l’orthographe et la ponctuation étant conservées telles qu’elles furent consignées en 1747.

« Aujourd’hui Mardy 24 Janvier mil Sept Cent quarente Sept, heure de Midy , devant nous Jacques Pierre Guespereau procureur au Chastelet de Melun et prévost civil, criminel et de police de la prévosté et Chatellenie royalle du Chastelet en brie est comparu Denis Pillault, procureur en cette prévôté, faisant [fonction] en l’absence du procureur fiscal ».

Il déclara que Paul Auger avait épousé en premières noces Reine Biquet et de cette union naquirent deux filles. L’une mariée à François Sadron, laboureur, demeurant à Saveteux et l’autre mineure et non mariée. Paul Auger s’étant remarié avec Charlotte Pillon eut deux autres enfants.

La fille mineure du premier mariage, se retrouvant, par suite du décès de son père, sans personne capable et en droit de stipuler ses intérêts et de veiller à la conservation de tous ses droits et actions qui lui sont comptés, tant par rapport à la succession de son père qu’à ceux relatifs à sa mère.

Afin de prévenir d’éventuelles soustractions d’une partie des effets et mobiliers de la seconde communauté dont elle pourrait souffrir, ledit Pillault aurait requis de pratiquer rapidement l’inventaire des biens pour protéger les droits, actions et héritages de ladite mineure.

C’est ainsi que, « Jacques, Pierre Guespereau, Denis Pillault, le greffier et Jean Chertan sergent-maire et vendeur de biens se sont transportés dans la ferme du Traveteau où était décédé Paul Auger la veille au soir, à l’effet d’apposer les scellés sur les meubles et effets dépendant de la communauté d’entre ledit Auger et Sadite veuve et d’effectuer la description rigoureuse de tout ce que la ferme abritait comme biens.

La famille était déjà présente ; à savoir ladite Charlotte Pillon, veuve Auger, ledit Sadron et Reine Auger son épouse, Marie Auger, la fille mineure du défunt et Nicolas Pillon, laboureur demeurant à Vernou et frère de la veuve… »

Ainsi, tel qu’en était l’usage, l’inventaire commença dans le chauffoir de ladite ferme.

Crémaillère

Crémaillère

1 Le chauffoir consistait en la pièce principale, là s’y trouvait la cheminée, d’où son nom. On y prenait les repas, on y cuisinait et on s’adonnait à de menus travaux, couture et réparations de petits outillages. C’est là que se tenaient les fameuses veillées durant les longues et froides soirées d’hiver. Maintes maisons se limitaient à ce simple chauffoir qui était le seul lieu de vie, pouvant aussi servir de chambre à coucher pour toute une famille.

La ferme du Traveteau, où habitait la famille Auger, était bien plus grande. Elle comportait 4 pièces à vivre (1 chauffoir et 3 chambres), auxquelles s’ajoutaient, comme nous le verrons, greniers, granges, fournil, et autre cellier etc. A cela y étaient adjointes des dépendances : « écurye, vacherie », poulailler, bergerie…

Ceci laisse à penser que la famille Auger était assez aisée pour l’époque.

« …Dans ce chauffoir, nous avons apposé notre premier scellé sur les deux vantaux  d’une armoire de bois de noyer de sept pieds, (mesure de longueur), de haut, surmontée de son chapiteau. Nous avons apposé un second scellé sur un coffre de quatre pieds de long, qui s’est trouvé fermé avec une clef se trouvant dans l’armoire dont il a été question précédemment ».

Ne nous étonnons pas de découvrir dans ce chauffoir les ustensiles classiques utiles à la ménagère.

On y trouve naturellement, tout le nécessaire destiné à faire le feu dans la cheminée, dont la fameuse « crémaillère », les chenets, les pinces…

Une léchefrite

Une léchefrite

Pour cuisiner, il y avait : des marmites, des chaudrons, des écuelles, des carafes, des louches en fer, une balance pour peser les ingrédients, des lèchefrites, des « poesles » (poêles) de différentes tailles, une série de plats, un réchaud et des fers à repasser le linge, une saulnière (pièce de vaisselle pour conserver le sel ; elle peut être en bois, en fer ou en faïence), une lanterne, un chandelier, une poivrière, des cuillères en étain, des fourchettes, des terrines et une « huguenotte » (petit fourneau de terre ou de fer surmonté d’une marmite pour cuire la viande).

Huguenotte 18e siècle

Huguenotte 18e siècle

Le mobilier de ce chauffoir, se composait de 2 « couches » (lits), dont l’un était en bois de chêne et l’autre en noyer, tous deux garnis de paillasses remplies de paille, de traversins remplis de plumes, avec des draps demi-usés ou neufs, ainsi qu’une couverture de laine et un couvre-pieds.

Venaient se rajouter au mobilier, 2 tables en bois blanc et 5 chaises ; elles complétaient le contenu de ce chauffoir le jour de l’inventaire.

Précisons que la loi voulait que la valeur de chaque meuble ou objet soit mentionnée : qu’il soit précieux ou cassé et hors d’usage. Tout était prisé en livres tournois, solz ou en deniers (monnaies en vigueur à cette époque). Jean Chertan, vendeur de biens, présent à l’inventaire aurait dû se charger de cette prisée ; il n’en fera rien et les biens ainsi répertoriés ne seront pas évalués. Seuls les mesures de poids ou de longueurs (aune, quartier, septier ou sétier, seront mentionnés mais aucune évaluation marchande ne sera chiffrée).

2 Quittons le chauffoir pour nous rendre dans une petite chambre attenante.

Dans laquelle « s’est trouvé » (formule largement usitée et que nous rencontrons fréquemment dans bon nombre d’inventaires et celui-ci en particulier) :

« Un lit et son traversin garni de plumes, une couverture de laine blanche presque neuve, six draps de grosse toille de mesnage, dont quatre presque neufs et les deux autres plus cramoisi (de couleur rougeâtre, se disait familièrement de quelque chose qui a vieilli et s’est abîmé) ».

S’en suit une liste de draps, serviettes et couvertures de plus ou moins grande qualité, et dont les dimensions varient. (L’aune, le quartier, le lé sont des mesures couramment utilisées pour les étoffes).

« Une mauvaise couche de bois de noyer, une vieille paillasse rapiécée.

Un petit lit à toît de cotty.

Un petit coffre de bois de chesne de trois pieds ou environ de long, trouvé ouvert et dans lequel il ne s’est rien trouvé.

Un petit cuvier de bois blanc, une petite cage, un panier et une corbeille, le tout en osier.

Un rouet à filler, une douzaine d’écheveaux de fils et brins de filasse d’étoupe (bourre de chanvre, partie la plus grossière du chanvre ou         du lin).

Un paquet composé de trente deux quenouilles de pied et dix-huit autres de filasse d’étoupe, neuf de fillasse de chanvre et un dévidoir à écheveaux.

3 De ladite petite chambre, sommes montés dans la chambre au-dessus du chauffoir, s’est trouvé un tas d’avoine battu et varié que ladite veuve Auger nous a dit constituer sept septiers (mesure de grains), un grand fléau garni de ses cordes, neuf fromagers, une paire de paniers d’ozier à beste azine (nom ancien de l’âne), cinq douzaine de cageaux, un salloire dans lequel s’est trouvé deux boisseaux (mesure de grains) de poix et deux boisseaux de chenevis dans un petit seau de toille, un crible (passoire) de cuire marron.

Patricia Mary

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